Les vitrines du musée de Sartène, en Corse regorgent de milliers de perles de verre de l’âge du Fer et de quelques perles très anciennes de l’âge du Bronze : des trésors de verre qui indiqueraient l’existence, sur l’île, d’un des plus anciens ateliers de verriers de l’âge du Fer d’Europe occidentale. Je ne résiste pas à vous faire partager mon émerveillement face à ces milliers d’artefacts en verre protohistorique… Je vous propose un carnet de visite à la découverte du verre archéologique du musée de Sartène… un musée d’archéologie à ne surtout pas manquer, pour ses perles de verre, bien sûr… mais aussi pour le riche mobilier préhistorique, protohistorique et antique qui y est présenté.
Par Florence Cerbaï
Une perle moulée de l’âge du Bronze Ancien
Première surprise pour une férue de verre archéologique, ce musée conserve une perle daté du Bronze ancien… Si la datation est confirmée, il s’agit d’un des rares objets en verre de cette époque mis au jour en France (Photo ci-dessous). Pour obtenir ces premières perles de verre, des oxydes, du sable et du natron sont mélangés dans de petits moules d’argile, au centre duquel une pointe est placée pour faire le trou. Une telle technique est toujours utilisée au Ghana pour réaliser des perles avec des oxydes et du verre pilé. Les moules sont placés dans un four à bois. Sur cette perle, il semble que la fusion du verre sont incomplète, ce qui est souvent le cas avec ce mode de fabrication.
Le musée présente aussi deux perles en verre filé du Bronze moyen/final. A droite, la perle de Tiresa, selon P.Nebbia et J.-C.Ottaviani, il pourrait s’agir d’une productions corse du Bronze moyen ou final. A gauche, une perle bleue dont le motif est manquant, retrouvée à Arguista-Moriccio, Corse du Sud. Ces perles pourraient avoir été produites sur place avec du verre importé du levant.
Une profusion de perles “porcelainiques” en verre blanc, du début du second âge du fer.
A l’entrée dans la salle suivante, réservée au mobilier de l’âge du fer, c’est la stupéfaction : des milliers de perles de verre blanc envahissent les vitrines! Ces perles annulaires, souvent très fines ont été mises au jour sur plusieurs sites de l’âge du Fer, repartis sur toute l’île, du Nord au Sud, d’Est en Ouest (en Balagne, dans Golfe d’Ajaccio, sur le Cap corse,…). Elles sont datées du début du second âge du Fer (V e s. av J.-C). Très souvent retrouvées dans des sépultures, elles ont aussi été mises au jour dans des habitats. Un dépot important de ces perles de verre a été retrouvé à proximité d’une mine d’antimoine sur le Cap Corse : l’antimoine, un colorant qui permet de teinter le verre en blanc et de le rendre opaque.
Un atelier de verrier du Ve siècle av. JC?
La présence d’antimoine, l’abondance des pièces mais aussi l’existence de perles “ratées” tend à indiquer une production locale à partir de verre sodique d’origine proche orientale. Même si aucun vestige d’atelier n’a encore été fouillé, il est très probable que du verre, importé par les Phéniciens, était teint sur place à l’antimoine dans des ateliers secondaires avant d’être mis en forme pour créer ces milliers d’anneaux de verre dits “porcelainiques.”
Ces perles font partie des premières productions locales de verre en Europe occidentales à l’âge du fer. Elle se situent chronologiquement après les productions de perles de verre du Bronze final en Italie du nord (perles réalisées, elles, avec du verre produit en Europe autour de 1000 av J.-C.)
Une très belle collection de perles du premier et second âge du fer importées ou produites localement
La présence ou le passage en Corse des Phéniciens, Grecs et Etrusques peut expliquer le développement précoce de l’artisanat du verre sur l’île, à l’âge du Fer ( et peut être dès l’âge du Bronze). A côté de ces perles “porcelainiques” assez spécifiques à la Corse (on a d’autres exemples de cette production en Slovénie), de nombreuses perles possiblement importées des ateliers phéniciens, égyptiens ou réalisées localement ont été mises au jour en Corse et sont présentés au musée de Sartène. Ci-dessous, de très belles perles à ocelles, mais aussi des perles dont les motifs se rencontrent beaucoup plus rarement à cette époque en Europe, notamment une perle avec un motif en filet torsadé.
Cet artisanat du verre perdure en Corse durant tout le second âge du fer. Datées du IIIE s ap. JC, des perles de verre bleues on été mise au jour dans dans plusieurs grottes du golfe d’Ajaccio, selon H. Alfonsi, à proximité de l’épave des Sanguinaire A , qui contenait un chargement de verre.
Des perles à feuille d’or, probablement importées du levant sont également conservées au musée de Sartène. La datation généralement adoptée pour ces perles est le IIe s avant J.-C.
Pour finir la visite du musée, un peu de verre romain : un superbe plat bleu cobalt et du verre à vitre…
Pour en savoir plus sur des perles de verre de la protohistoire corse :
Les éléments de parure en verre du site de Lumaca (Âge du Fer, Centuri, Haute-Corse) : compositions et typochronologie, Bernard Gratuze, Françoise Lorenzi, Bulletin de la Société préhistorique française Année 2006 Volume 103 Numéro 2 pp. 379-384 : http://www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_2006_num_103_2_13438
La circulation des perles en verre dans le Bassin Méditerranéen, de l’Âge du Bronze moyen jusqu’au Hallstatt. Bernard Gratuze, Yves Billaud : http://artefacts.mom.fr/Publis/Gratuze,%20Billaud%202003.pdf