J’ai choisi de réaliser un très petit four à perles de verre, poussant la miniaturisation des fours à charbon que j’utilise habituellement. Le premier très petit four que j’ai réalisé et testé mesure 9 cm de diamètre extérieur et 20 cm de haut. Il monte en température en une quinzaine de minute. On peut rapidement y réaliser des perles de verres.
J’ai choisi de développer cette hypothèse de four pour la période gauloise et viking en partant du constat : – que les archéologues n’ont à ce jour retrouvé aucun four à perles de verre pour la période gauloise (vestiges discrets, peut-être de petite taille), très peu pour la période viking (le seul de ma connaissance, retrouvé à Ribe est en torchis, à charbon, et mesure entre vingt et trente de cm de diamètre) – que le volume de chauffe utile pour réalisé une perle de verre est très réduit, compatible avec un four de petite taille; – que le combustible fait, à l’époque, l’objet d’économie (la taille du four limite la déperdition de charbon); – que certaines perles vikings et perles gauloises se réalisent plus facilement si on peut se rapprocher du foyer pour une applique plus précise des décors.
Pour travailler dans ce type de four, il faut avoir une bonne habitude des fours à charbon, le temps de chauffe assuré par le faible volume de charbon étant réduit pour réaliser une perle, mais cependant suffisant, y compris pour des perles à décors. Il faut également de bon soufflets : la taille des soufflets, elle, ne diminue pas. Ce sont eux qui assurent, avec un apport suffisant d’oxygène, la montée en température et son maintient.
Photos : Allumage du four, lors des journées du patrimoine sur le site de Mandeure
Certains décors, particulièrement ceux demandant de tirer des filets à l’avance ( cf perles de Ribe) sont plus facile à réaliser sur ce petit four qui permet de se rapprocher plus du foyer et de gagner en précision.
Ce four est réalisé en terre à creuset et cuit comme une poterie avant d’être utilisé. Merci à Florian de la Branche Rouge qui m’a suggéré d’utiliser de la terre à creuset et de réduire la taille des four pour une économie de charbon.
Je projette de réaliser plusieurs expérimentations, avec ce four et ses semblables à peine plus grands (travail des décors complexes).
Avec cet article, je vous propose une analyse des sources photographiques et vidéos de l’atelier de verrier d’Hérat en Afghanistan, une ville située non loin de la frontière iranienne. Cet atelier est celui du verrier Ghulam Sakhi Saifi qui y travaille avec son fils. C’est un atelier traditionnel, les souffleurs de verre utilisent un four à bois. Jusqu’en 1977 au moins, les verriers y fabriquaient du verre à partir de matières premières locales.
Les sources
Cet atelier est documenté par un film de 1977 diffusé par le Corning Glass Museum “Glassmakers of Hérat”, tourné par Robert H. Brill, Frederick R. Matson, Latif Abdul Majoob, et Abdul Satar Popal. L’atelier est connu depuis 1968. Selon les artisans afghans, qui y travaillent, cela ferait plus de 200 ans que leur famille fabrique du verre dans cet atelier. Ce film décrit la fabrication du verre à partir de cailloux blancs ramassés dans la rivière proche (qui pourrait être du quartz) et de cendres potassiques ou sodiques vendues par les nomades du dessert et obtenues en faisant brûler des buissons au-dessus de fosses où les cendres s’accumulent. Il est particulièrement intéressant puisqu’il documente la provenance des matériaux et les techniques verrières utilisées dans l’atelier.
Cet atelier est ensuite documenté par différents reportages vidéos de l’AFP : un reportage diffusé en octobre 2018
On trouve également sur internet cette vidéo issue d’un site d’information financé par le gouvernement américain (!)
Contexte
Ces films mettent tous en avant le risque que cet atelier disparaisse (il est encore là pour l’instant ) ou que certaines techniques comme la fabrication du verre dans les années 1970 soit remplacé par l’utilisation de verre de recyclage (ce qui s’est produit effectivement). Les verriers évoquent la difficulté de vivre de cette activité, notamment récemment avec les importations chinoises, la fin du tourisme en Afghanistan (guerre, arrivée au pouvoir des talibans), l’impossibilité pour les afghans d’acheter les objets en verre de l’atelier (qui coûtent autour de 3€ pièce), quand ils peinent à se nourrir. Ils évoquent aussi la pénibilité du métier avec une température extérieure qui atteint 50 degrés, “une fumée et une chaleur qui attaquent les yeux et les poumons” devant les fours. Ils soulignent aussi “nos pères sont morts aveugles et infirmes”, mais font mention d’un verrier mort à 103 ans. Leur production est vendue dans une boutique de la vieille ville qui appartient, comme leur atelier, au vendeur d’objets en verres. Les verriers, en 1977, mentionnent la difficulté de vivre de leur métier, le revendeur et propriétaire tirant l’essentiel des revenus de leur travail. Plus récemment, le four ne serait plus allumé que quelques jours par mois.
Techniques verrières
Le plan du four :
Il s’agit d’un four en deux parties : un four de fusion constitué d’une chambre de chauffe surmontée d’une chambre de recuit et un grand four de recuit, communiquant par l’arrière avec la chambre de chauffe ou la chambre de fusion.
Le four de fusion : la chambre de chauffe
– L’ouvreau bas, permettant d’introduire le bois dans la chambre de chauffe, est très petit et très peu de bois y est enfourné à la fois. Il s’agit de très petites sections (branches, buchettes refendues). Il est à peine plus grande que les ouvreaux permettant de réchauffer les pieds des verres, plus petit que l’ouvreau pour cueillir le verre (qu’on ne voit pas sur la photo). Le four est alimenté en bois par un enfant.
– Il n’y a pas d’alandier dans ce four et celui-ci semble posé à même le sol en tomettes (pas de sole excavée)
Le four de fusion : la chambre de fusion
– La chambre de fusion est placée au-dessus de la chambre de chauffe, les vidéos ne permettent pas de connaitre la taille de l’œil entre les deux chambres. – Creuset ? Le verre peut être directement posé sur la sole de la chambre de fusion. À voir la manière dont les verriers cueillent, on peut envisager un espace d’une douzaine de cm de profondeur inclus dans la sole (type anneau). Mais sur certaines vidéos, on voit des creusets cassés avec un glacis de verre servant à contenir de l’eau pour refroidir les outils, des creusets sont donc peut-être placés dans le four.
Les postes de travail
– Deux postes de travail sont placés à droite et à gauche de la zone d’introduction du bois. Ces deux postes de travail consistent en un ouvreau en face du verrier et d’un petit ouvreau à gauche du verrier sur le haut de la voute de la chambre de fusion pour réchauffer les pièces en plusieurs parties (pieds des verres). Cet ouvreau de réchauffe n’est présent que sur le poste de travail principal occupé par le verrier le plus ancien. Les ouvreaux possèdent des petites portes en argiles fines avec un trou pour les déplacer. Un aplat en torchis est ménagé devant les portes de l’ouvreau principal pour permettre de déplacer facilement les portes (ouvrir et fermer l’ouvreau) On remarque un petit ouvreau sur la chambre de fusion au-dessus de l’entrée du bois. Il est possible qu’il y ait également un œil fermé au-dessus de la chambre de fusion (peut-être pour le tirage à l’allumage), à moins qu’il ne s’agisse que d’une porte qui sèche au-dessus du four.
Le poste de travail principal (occupé par le verrier sur les vidéos) : – Un marbre est placé sur la gauche du verrier qui travaille accroupi ou en position assise basse. – Devant le marbre est placé un seau en métal qui permet de rouler la canne et de la refroidir (il est utilisé comme un banc de verrier)
Sur la droite du verrier, est placé l’ouvreau du four de recuit. – des plateformes en pierre ou torchis sont ménagée au niveau des ouvreaux du four de recuit et de fusion.
Note : Le four de fusion est assez petit et compact : Il semble que ce four consomme peu de bois par rapport aux fours romains ou gaulois reconstitués en Europe ou aux fours d’Anatolie. En 1977, le bois était amené des collines alentour en âne. Le film de 1977 stipule une livraison toutes les deux semaines, mais on ne connait pas l’importance de la livraison. Un tas de bois est visible dans la vidéo d’Alive in Afghanistan de 2023. Il s’agit de bois très sec et fin.
Le four de recuit
Il communique avec le four de fusion par l’arrière de celui-ci, (probablement, grâce à un trou dans la chambre de chauffe ou de fusion). Il est assez volumineux avec un ouvreau intermédiaire, et sur les vidéos de 1977, un bas et un plus haut … Une branchette de bois est posée à l’entrée après l’ouvreau, peut être pour éviter les chocs thermiques lors de l’ouverture de la porte. Le four est éteint tous les soirs, la porte du four de recuit est alors colmatée avec du torchis pour être rouverte le lendemain matin avant de relancer le four. Les objets en verre sont alors sortis par le verrier. Les verriers évoquent une production de 100 pièces par jour.
Température de travail et conduite du four
À première vue (couleur du verre, temps d’exécution des pièces, temps de marbrage…) la température doit avoisiner la plupart du temps les 1100 degrés. Les verriers évoquent une montée jusqu’à 1250° pour la fusion du verre. Le four semble parfois charbonner un peu (manque d’oxygène).
Les outils
Des cannes : qui servent à souffler et empontiller. On voit aussi, sur une des vidéos, un ferret ( ci-dessous). Dans le film de 1977, les verriers expliquent que les cannes sont des canons de fusils sciés.
Un bâton en bois : les verriers utilisent un bâton en bois pour ouvrir les cols des fioles ou des verres ( voir ci-dessous) et pour ouvrir les portes du four. Il est remplacé régulièrement
Un grand couteau à large lame : pour aplatir le cul des pièces, séparer les pièces par choc thermique…
Des fers : un verrier utilise une sorte de fers longs et fins pour façonner les pièces. ( ci-dessous)
Une gouttière : Pour charger le four en verre (ou en mélange vitrifiable en 1977)
Comparaison
Le four de fusion de cet atelier afghan est très semblable au four des perliers d’Anatolie sur lesquels j’ai pu travailler : assez bas, de petite taille, pas d’alandier, sole non excavée. Les fours de recuits sont très différents par la taille, mais pas forcément par la conception (flamme venue du côté par le grand four, de la chambre de fusion en ce qui concerne les fours d’Anatolie). En revanche, l’entrée du bois est de taille beaucoup plus réduite. Le bois utilisé est de section beaucoup plus fine (fendu alors que ce n’était pas le cas en Anatolie).
… En espérant pouvoir rencontrer un jour ces verriers traditionnels d’Afghanistan pour échanger avec eux sur leurs techniques verrières !
Nous étions dimanche dernier à l’archéosite de la Haute île, en Seine-Saint-Denis, pour évoquer la vie quotidienne à l’âge du fer avec l’association Sapiens Origines
Nous avons présenté la manière dont on cuisait et conservait la nourriture, dont on fabriquait les boissons fermentées comme la bière. Le public a découvert les différentes étapes du travail de la laine, du lin ou du chanvre, récolte, peignage, rouissage, teinture, tissage, feutre avec Bénédicte Soquet, professeur d’histoire et spécialiste du tissage et des textiles à l’âge du fer. Un four à verre et des outils permettaient d’introduire le travail du verre à l’âge du fer : perles de verre et bracelets. Enfin le public a pu participer à un atelier sur les fibules gauloises. Un atelier qui permet autant d’aborder l’évolution de cet objet emblématique de la protohistoire, que d’amener des personnes parfois éloignées des activités manuelles à se confronter au travail de la matière, tout en leur permettant de repartir avec un joli bijou.
Merci à l’équipe de l’archéosite de la Haute île pour son accueil. Le site, située en zone périurbaine, est magnifique et mérite une visite. Il permet de découvrir les fouilles récentes menées en Seine-Saint-Denis et sur le parc de la Haute Île classé Natura 2000.
Je suis intervenue cette année, durant 7 jours, pour la plateforme PlaeTEx (plateforme d’archéologie expérimentale sur les artisanats anciens des arts du Feu, CNRS – MSHE de Besancon coordonnée par Valérie Pichot). L’objectif était d’accompagner le projet de création d’un atelier de verrier pour l’âge du fer et la période romaine et de former médiateurs, chercheurs et étudiants au travail du verre sur les fours que nous avons construits.
Le projet a été mené en collaboration avec le SIVAM ( Syndicat Intercommunal à Vocation Archéologique de Mandeure-Mathay) et Pierre Mougin, et l’association Togirix qui fait de la médiation archéologique sur le site de Mandeure, avec la participation d’étudiantes en archéologie. L’objectif était de réaliser un four en s’inspirant des fours des perliers d’Anatolie et des fours romains retrouvés en Franche-Comté.
Nous avons choisi de fabriquer deux fours : le premier, le plus petit, pour interroger le travail du verre à l’âge du fer, le second plutôt orienté sur l’époque romaine.
Nous étions ce week-end au Musée du sel en Moselle, pour présenter un atelier de verrier de l’âge du fer, dans le cadre de la fête gauloise. Un très beau week-end en compagnie de Patrick de la brasserie du Jugement Dernier qui présentait un atelier de brasseur gaulois et une conférence sur la bière dans la protohistoire et l’Antiquité. Merci aux troupes et artisans présents et aux organisateurs de ce bel événement, malgré une météo hostile !
Reconstitution du four 1 de la Fouille de Saint Agathe à Florange et cuisson de poteries pour les journées du patrimoine 2023
La semaine du 11 au 17 septembre 2023, nous avons reconstitué pour la ville de Florange un four de potier gaulois fouillé sur place à il a 50 ans. Nous y avons faire cuire des reproductions de poteries de l’âge du fer fabriquées avec le public.
Le rapport de fouille est déjà ancien mais assez détaillé. Il m’a permis de proposer une restitution du four numéro 1, pour vérifier les hypothèses émises par les archéologues dans les années 70.
Samedi 2 juillet 2022 et dimanche 3 juillet 2022, nous étions à Lattara, près de Montpellier pour des démonstrations de travail du verre de l’âge du fer.
Deux journées d’archéologie expérimentales et de médiation auprès du public pour clôturer la superbe exposition “Les gaulois à Lattara”. Au programme : reproduction de perles de verres et de bracelets gaulois exposés à Lattara. Un très bel accueil de la part d’un public passionné et des équipes de ce magnifique musée à quelques kilomètres de la méditerranée.
Atelier de verrier gauloisFabrication d’un bracelet de verre gauloisReproduction des pièces d’expositionExposition de perles de verre de l’âge du fer au haut Moyen âgeRecyclage de bracelets de verre gaulois
Pour les journée européenne de l’archéologie, le 19 juin 2022, nous étions au musée Camille Claudel pour des démonstrations de travail du verre protohistorique antique. Nous avons reproduit devant le public plusieurs pièces conservées au musée Camille Caludel : une très belle bague romaine, ainsi qu’une fibule gauloise à perle. Nous avons proposé au public de reproduire en fil de laiton la fibule support d’une perle de verre conservée au musée.
Nous étions ce samedi 17 et dimanche 18 juin de 14H à 17H30 au musée de Nuit Saint Georges en compagnie de l’association Guerres Historiques pour une animation sur la période mérovingienne. Nous présentions un atelier de perles de verre du haut Moyen Âge.
Atelier Cobalt a installé son atelier durant trois jours sur le domaine départemental de Roussières dans l’Hérault pour accueillir des jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse autour de démonstrations “verrier gaulois” et d’atelier participatifs sur la parure gauloise et romaine. Les jeunes ont pu fabriquer des fibules gauloises, des bracelets romains, des boucles d’oreilles romaines, et des bagues. Un atelier collectif qui leur a permis d’échanger autour d’une activité manuelle, de découvrir des objets du passé, de les fabriquer, de les porter et de les offrir. Une très chouette expérience.