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Construction de deux fours de verriers gaulois et romains sur le site de Mandeure pour la plateforme PlaeTEx (CNRS- MSHE-Univ Besançon) et formation des étudiants et médiateurs, au travail du verre, à la construction et à la conduite des fours.

Je suis intervenue cette année, durant 7 jours, pour la plateforme PlaeTEx (plateforme d’archéologie expérimentale sur les artisanats anciens des arts du Feu, CNRS – MSHE de Besancon coordonnée par Valérie Pichot). L’objectif était d’accompagner le projet de création d’un atelier de verrier pour l’âge du fer et la période romaine et de former médiateurs et étudiants au travail sur les fours que nous avons construits.

Le projet a été mené en collaboration avec le SIVAM ( Syndicat Intercommunal à Vocation Archéologique de Mandeure-Mathay) et Pierre Mougin, et l’association Togirix qui fait de la médiation archéologique sur le site de Mandeure, avec la participation d’étudiantes en archéologie. L’objectif était de réaliser un four en s’inspirant des fours des perliers d’Anatolie et des fours romains retrouvés en Franche-Comté.

Nous avons choisi de fabriquer deux fours : le premier, le plus petit, pour interroger le travail du verre à l’âge du fer, le second plutôt orienté sur l’époque romaine.

1. un petit four à verre pour l’âge du fer

Pour le premier four, l’objectif était de fabriquer le plus petit four à verre permettant de travailler dans des conditions confortables pour fabriquer des perles de verre et bracelets. Le diamètre intérieur de la chambre basse mesure autour de 25 cm. C’était le plus petit four à verre de ce type que je construisais (devant le succès de ce four, j’en ai depuis construit un de 15 cm de diamètre, que je n’ai pas encore allumé).
L’objectif est une consommation réduite de bois, un four rapide à construire et permettant de travailler à deux ou trois personnes. Le plan choisi s’inspire des fours d’Anatolie dans lesquels j’ai eu la chance de travailler, mais en plus réduit, avec une chambre de recuit unique sur le dessus, plutôt que sur le côté (inspirée de l’iconographie des fours romains) et deux espaces de travail (ouvreaux). Un espace pour un futur alandier a été prévu, mais l’alandier n’a pas été construit dans une première phase du four, pour permettre de comparer la conduite du four avec et sans alandier. Pour rappel, les fours d’Anatolie n’ont pas d’alandier, beaucoup de fours romains semblent en avoir. Le four a été recouvert d’un enduit terre paille isolant (torchis très chargé en paille) pour favoriser la montée en température. Des tables de travail en torchis ont été construites devant les ouvreaux au mois d’aout, pour remplacer les coffres en bois initialement utilisés pour les espaces de travail.

2. Un four pour la période romaine

Pour le deuxième four, l’objectif était de fabriquer une structure permettant de travailler sur des perles, bracelets et baguettes de décors, mais aussi de souffler des petites pièces en verre (type balsamaires). Nous avons choisi de nous inspirer de la fouille de Besançon, de l’iconographie romaine et des fours d’Anatolie. J’ai déjà construit plusieurs fours de ce type, avec ou sans alandier, avec une chambre de recuit au-dessus de la chambre de fusion ou une chambre de recuit au-dessus de l’alandier, communiquant avec la chambre de fusion par le côté de celle-ci ; des fours de 1 à 3 ouvreaux.
Nous avons choisi, pour ce four, de placer trois postes de travail (ouvreaux), une chambre de recuit sur le dessus (cf. iconographie romaine).
Un four de recuit séparé a été construit pour le verre soufflé.
Nous avons préparé un espace pour construire un alandier, mais dans une première phase du four, celui-ci n’a pas été construit. Comme pour le premier four, nous voulions pouvoir comparer la conduite du four avec et sans alandier. Le diamètre de la chambre basse choisi est proche de celui d’un des fours de la fouille de Besançon et relativement réduit pour un four romain : autour de 55 cm.
La base de la chambre de chauffe n’est pas excavée, à l’image des fours des perliers d’Anatolie. Les fouilles des fours romains montrent, elles, la base des chambres de chauffe parfois excavées. Des tuiles ont été utilisées lors de la construction (chambre basse et chambre de fusion) et recouvertes de torchis.
Nous avons placé un chenet à l’entrée de la chambre de chauffe pour surélever le bois et permettre un meilleur tirage. Les chenets semblent être connus des romains (Cf musée de Nîmes).

Lors de la construction, Valérie Pichot et les étudiantes ont réalisé la modélisation 3D des deux fours qu’elles publieront bientôt.

Pierre Mougin, les étudiantes et membres de l’association Togirix avaient préparé du torchis en avance ce qui a rendu la construction des deux fours et du four de recuit assez confortable. Nous avons construit les fours en trois jours début mai. Le bâtiment en bois et torchis qui accueille l’atelier avait été construit un peu plus tôt.

La première chauffe a eu lieu début juillet. La période précédente avait été très pluvieuse, mais Pierre Mougin avait pu faire quelques petits feux dans le four pour assurer son séchage.

Lors de la première véritable chauffe, Valérie Pichot a posé des sondes sur les trois chambres (chauffe, fusion, recuit) des deux fours, ce qui lui a permis de mesurer précisément la montée en température des deux fours et une partie de la descente en température. Les deux fours ont été allumés en même temps. Valérie et les étudiantes qui travaillent sur le projet, Emma Jung et Lisa Klein, doivent encore traiter les données recueillies, mais les deux fours ont atteint et un peu dépassé les 1000 degrés (1030 il me semble) lors des deux premières chauffes.

Il a été possible de réaliser la première perle dans le petit four après 1H50 d’allumage et après un peu moins de 3h environ pour le grand four.

Le petit four consomme beaucoup moins de bois que le grand (2 ou 3 fois moins à priori) avec une consommation très raisonnable. Il me semble être à l’heure actuelle, le four le plus économe que j’ai construit. Valérie Pichot a mesuré précisément les consommations : les données seront bientôt traitées et publiées. Ce four monte en température plus rapidement. Il a moins d’inertie que le grand four et doit être plus fréquemment surveillé, mais le travail y est confortable et il est parfaitement adapté à la réalisation de perles et bracelets. On pourrait probablement y souffler aussi de petites pièces, mais la taille de la chambre de fusion ne permet d’y mettre que des petits creusets.

Le grand four a également une consommation très raisonnable (données à venir par Valérie Pichot). Le travail y est plus confortable que dans le petit four (assise de travail plus haute).

Durant cette session du mois de juillet (2 jours) les stagiaires ont pu apprendre à fabriquer des perles de verre simples et décorées en creuset, à conduire le four pour la montée en température, à réaliser les réglages et réparations du four.

A noter : J’avais déjà fourni à Mandeure il y a quelques années un atelier de perles de verre (four à charbon, hypothèse d’atelier pour l’âge du fer) et formé des médiateurs et guides à la construction des fours à charbon et à leur utilisation. Cet atelier a continué à fonctionner : les personnes que j’avais formées, formant elles-mêmes les nouveaux médiateurs. Ainsi, les étudiants et médiateurs avec qui nous avons construit ces fours à bois en avril 2024 et que j’ai formé en juillet 2024 à leur utilisation avaient déjà une expérience du travail du verre en four à charbon et de la construction des fours à charbon, ce qui a permis une prise en main rapide des fours.

La troisième session de formation/accompagnement (2 jours) a eu lieu début septembre. Les étudiantes et bénévoles avaient pu travailler sur le four au mois d’août et réaliser quelques petites réparations. Cette session s’est déroulée dans des conditions climatiques compliquées (beaucoup de pluie et de vent) avec un bois en partie humide. Nous n’avons allumé que le grand four lors de cette session pour le pousser au maximum. Le four est monté à des températures moindres que lors des premières chauffes. Un ou deux balsamaires en verre soufflé ont tout de même été réalisés, mais a une température trop basse pour permettre un travail dans de bonnes conditions.

Le four a permis de travailler avec les stagiaires sur la fabrication de perles de verre à décors, de bracelets de verre et de baguettes décorée. (Une partie de leur production est en photo ci-dessous)

L’équipe de PlaeTEx va continuer à travailler sur ces fours, y réaliser différentes mesures. Puis les deux fours seront modifiés dans une phase 2 (avec alandiers) et à nouveau mesurés.

Valérie Pichot et les étudiantes qui participent au projet, Emma Jung et Lisa Klein, préparent des publications complètes sur ces expérimentations, avec photos, courbes de températures, restitution 3D du montage des fours, analyse des matériaux utilisés, de l’influence des conditions climatiques d’utilisation, de la consommation de combustible. Elles envisagent également de mesurer les concentrations de polluant divers dans l’air de l’atelier. On a hâte de les lire !

Vous pouvez déjà lire un article sur le site de la MSHE de Besançon : https://mshe.univ-fcomte.fr/actualite-geobfc/1497-experimentations-2-autour-des-arts-du-feu-anciens-pour-la-plateforme-plaetex

Merci à elles pour ce très beau projet !

Je serai à nouveau à Mandeure pour animer l’atelier avec les membres de l’association Togirix et de la plateforme PlaeTEx lors des journées du patrimoine 2024 et des journées de l’Archéologie 2025. On vous attend nombreux pour vous expliquer le projet. L’objectif, pour les journées du patrimoine est une chauffe continue (et bien sûr mesurée par Valérie), y compris la nuit qui permettra de comparer les températures, consommations de bois et temps/condition de travail dans les fours /production par rapport à un allumage quotidien.