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Four à perles de verre viking – compte rendu d’expérimentation

Avec cet article, je vous présente une nouvelle hypothèse de four à perles de verre pour la période viking.

Hypothèse de four à perles de verre viking. Viking glass beads furnace

Pour réaliser cette hypothèse de four, j’ai choisi de travailler à partir des outils de verriers, conservés pour la période viking, et des perles les plus complexes que ces fours ont permis de réaliser. Le réexamen de ces données a été croisé avec les sources archéologiques concernant les foyers/atelier de perliers retrouvés sur le site de Ribe.

Avant de développer les choix qui m’ont pousser à faire cette hypothèse de four à verre viking, il me semble utile de proposer un retour sur les sources dont nous disposons pour restituer un atelier de verrier viking.

Les sources d’atelier de perliers vikings

Plusieurs sites archéologiques scandinaves ont livré des vestiges d’ateliers de perles de verre pour la période viking. On peut citer Åhus, Kaupang, Hedeby, Birka, Paviken et Ribe. C’est a partir de ces sites que l’archéologue danois Torben Sode propose dans son article très complet “glass bead making technology” un certain nombre d’hypothèses concernant le travail du verre à la période viking et la forme que pouvait prendre les ateliers de perles de verre.

Torben Sode a fouillé le site de Ribe, un marché semi permanent, non loin de la mer du Nord au Danemark, dans le Jutland.

Sur ce marché qui devient rapidement une ville, on retrouve dès le VIIIe siècle des vestiges d’ateliers de perles de verre. Les fouilles de ces ateliers ont mis au jour au total 3308 morceaux de verre : des perles monochromes, polychromes, des perles mosaïques. Perles entières, fragmentaires, finies ou ratées. Du verre, brut, des tesselles de verre coloré qui proviendraient d’Italie du Nord, des décors (murines et verres étirés).

Des vestiges de fours, fragmentaires, ont également été mis au jour. Selon Torben Sode “seuls les fonds du foyer ou des fours ont été conservés sous la forme d’une couche d’argile brûlée, de charbon et de cendres. Ni les murs ni les pierres des fours n’ont été conservés, mais ils ont peut-être été enlevés dans le cadre du nettoyage soigneux, qui a apparemment eu lieu sur le marché lorsque la saison s’est terminée – et le matériau du four brûlé a finalement été utilisé comme matériau de remblais ailleurs dans la zone”

Torben Sode évoque une zone fouille qui “montre une série de sept foyers immédiatement les uns sur les autres. Au moins trois de ces foyers sont censés représenter des ateliers de fabrication de perles de verre. Les foyers fouillés sont tous de forme très irrégulière – des éléments circulaires, ovales à plus rectangulaires. La présence de l’argile brûlée et non brûlée est caractéristique de tous les foyers.

 Torben Sode évoque en foyer rectangulaire en argile de 53X23cm qui contenait du charbon et du sable et pourrait correspondre à un four à perles écroulé. Il décrit également sur une autre couche un foyer en forme de  lentille irrégulière d’argile d’environ 50 cm de diamètre, avec au milieu  20 cm d’argile rouge brûlé et contenant un certain nombre de morceaux de charbon. Au milieu du foyer, il y avait une grande concentration de perles de verre et de verre brut. Dans une autre couche, à proximité des restes d’un foyer en argile, l’archéologue repère ce qui pourrait être le reste d’une tuyère en argile. 

L’ensemble de ces éléments permet à Torben Sode de proposer l’hypothèse d’un atelier de perles de verre qui s’organiserait autour d’un four en argile à charbon alimenté en air par des soufflets.

Premières restitutions (Hypothèse 1)

La proposition de restitution de four proposée sur l’archéosite de Ribe à partir de ses travaux est celle-ci :

Un four en dôme, à charbon.  La température de 1000 degré nécessaire au travail du verre est obtenue par un souffle d’air continu ( soufflets). Sur les conseils de Leni la verrière du site de Ribe en 2006, j’ai a mon tour réalisé un atelier de perles de verre viking pour la Compagnie de la Branche Rouge.

Celui-ci était tout d’abord construit à même le sol.

 

 

Un peu plus tard, nous avons choisi d’installer le four sur un cadre en bois, afin de pouvoir le transporter. En effet, le four peut aisément être utiliser durant  80 jours (de chauffe) avant de devoir être reconstruit. Ce système, pratique pour une troupe itinérante n’était probablement pas utilisé par les verriers vikings qui ne limitaient pas à un week-end leur temps d’installation sur un site. Pour autant des systèmes de foyer déplaçable sont connus chez les romains par exemple ( Musée de Nîmes), et il est permis d’imaginer qu’un tel système ai pu être utilisé.  Le four une fois démonté est généralement jetté en tas dans un coin, l’argile cuite et crue ( de l’extérieur du four) se mélangent alors dans une couche archéologique, et donnent des vestiges assez proches de ce qu’on retrouve en sur certaines couches des fouilles de Ribe.

Archéosite de Marles, 2009. Le four et les soufflets sont placés sur un cadre.

 

J’ai utilisé ce four dans le cadre de démonstrations et d’expérimentations jusqu’à aujourd’hui en y apportant des modifications à la marge : deux ouvreaux pour permettre de travailler à deux verriers, espace intérieur plus ou moins vaste… Ce four permet de fabriquer aisément des perles simples ou à décors, il reste pourtant limité quand on envisage de poser des décors plus compliqués, voir même certains décors assez simples à réaliser ( ocelles)

 

Une nouvelle hypothèse de four à perles viking (Hypothèse 2)

C’est cette constatation associée au rééxamen du mandrin retrouvé à Paviken  qui m’a amenée à proposer une nouvelle interprétation. Plus un foyer est grand, plus il est nécéssaire de s’en éloigner pour éviter l’inconfort de la chaleur et les brulures, moins le travail est précis. Ce nouveau four permet de travailler aisément avec un mandrin de 30 cm (mandrin de Paviken)

La faible taille de la surface rubéfié d’un des foyer de Ribe ( 20 cm de diamètre ) m’a également convaincu de tester un tout petit four.

Celui ci mesure 20 cm de diamètre extérieur. Une chambre de combustion, une chambre de travail en partie à l’air libre, en partie en voute. Des espaces pour préchauffer le verre et poser les pic pour les décors de verre.

 

Après une première chauffe, le travail, y est comme prévu, plus précis que dans un four plus grand

Les +

  • La demi voute permet de libérer de la place pour la chauffe des mandrins et du verre, ce qui est très appréciable pour la fabrication de perles à décors complexes

Les moins :

  • la chaleur uniforme apportée par la présence d’une voute plus enveloppante manque
  • la chambre de recuit placée derrière avec un trou pour communiquer la chaleur présente une température une peu basse
  • la nécessité de rajouter très souvent du charbon

 

Le four à perles viking a été réalisé en torchis ( argile, sable et paille)

 

Base du four à perles
Hypothèse de four à perles viking. Ce four permet de chauffer très localement le verre et de travailler près du foyer.
Espace de recuisson des perles au dos du four

 

Cette hypothèse de four, répond de façon positive à certains problèmes posés. Sa taille permet effectivement un travail plus précis, au plus près des flammes. La création d’un espace devant le four pour poser mandrins et verre permet également la réalisation plus aisée de décors complexes.

En revanche, la demi-voute proposée ici, devra être modifiée pour reprendre un aspect plus enveloppant permettant de poser un pot de recuit au dessus du four, et créer un espace de chauffe plus homogène.

La taille réduite du four permet une économie importante de charbon.

Hypothèse 3 :

Les conclusions de l’hypothèse 2 nous amène à produire un four hybride entre l’hypothèse 1 et l’hypothèse 2 :

– Un four de petite taille pour correspondre aux outils retrouvés sur les sites scandinave

– Grace à cette taille il permet un travail plus proche du foyer pour plus de précision

– Il présentant une demi-voute qui permet de poser un pot de recuit

– La demi voute est plus ouverte pour permettre de disposer d’un espace de travail pour les décor (préchauffe des mandrins et du verre pour les décors…)

Ce four, plus petit, plus léger, monte assez vite en température et permet un travail assez précis.

Adopté!

Un four de ce type parait également adapté pour d’autres périodes et notamment pour le début de la période gauloise quand sont réalisées de nombreuses petites perles à doubles rangs d’ocelles à multiples niveaux qui demandent un travail précis.